Carl Andre
"10 steel row"

10 plaques d'acier
1 x 60 x 300 cm
1967

Datée de 1967, cette oeuvre vient à la suite d'oeuvres composées de briques alignées directement sur le plancher. Pour la première fois, ici, Carl Andre utilise des plaques métalliques de manière à réaliser des pièces où l'aspect plat du matériau est en parfaite adéquation avec la planéité du sol. En horizontalisant sa sculpture, l'artiste la définit ainsi comme un lieu que le spectateur est d'ailleurs invité à parcourir en marchant dessus (c'est un des points de vue d'expérimentation de l'oeuvre, mais c'est aussi une façon de retirer à la sculpture son prestige et en quelque sorte son pouvoir de séduction).

Cette oeuvre illustre parfaitement le propos de l'artiste "All I'm doing is putting Brancusi's "Endless column" on the ground instead of in the sky..." (je ne fais que poser la "Colonne sans fin" de Brancusi à même le sol, au lieu de la dresser vers le ciel...) Carl Andre a l'habitude de dire que l'idéal pour lui est une route composée d'une simple juxtaposition d'unités standards de plaques industrielles posées au sol les unes à la suite des autres sans aucune hiérarchie de place ni de volume et où n'importe quel module peut être remplacé par un autre...

Dans un entretien avec Irmeline Lebeer in " Art Vivant de juin 1974, Carl Andre précise aussi : "Il y a un principe quasi mécanique de mon travail qui veut que les unités de base soient d'un format que je puisse manipuler moi-même. C'est une des raisons pour lesquelles mes sculptures sont composées d'éléments détachés. Si elles étaient faite d'une seule pièce, j'aurais besoin de toute une machinerie pour les déplacer. J'ajoute que l'acte physique même de la manipulation fait partie, pour moi du plaisir de faire une sculpture..."

Son "esthétique" s'exprime aussi par le traitement apporté au matériau pour lequel l'artiste tend à rapprocher la fin et les moyens. On ne trouve pas, ici, le romantisme du geste de l'artisan attelé à sa confrontation avec la matière. Ses sculptures ne sont pas le résultat d'un acte sculptural imprimé au matériau afin de l'infléchir, il y a plutôt une façon de révéler la matière à travers les qualités esthétiques qui lui sont propres . Si le matériau est utilisé usiné dans une forme la plus neutre possible c'est parce que l'artiste respecte la notion de masse, de pesanteur, de densité, toutes des caractéristiques que le spectateur doit pouvoir ressentir naturellement devant ses oeuvres.

Au MAMCO l'oeuvre est installée dès l'entrée de l'appartement et constitue ainsi une "entrée en matière" pour le reste de l'exposition !!